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Héritage des anciens Pays-Bas ( FR ) PDF Imprimer Envoyer

Voici un entretien qui date de juillet 2010 réalisé par le journal Zanzibar Soir auprès de Charlot Trente Six, descendant direct de la lignée de Charlequint, où il apparaît que tout ce qui est dit n’est pas forcément idiot.

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       - Votre Excellence, pour nous qui sommes confrontés à la vie actuelle, à quoi bon nous interesser à l’histoire des anciens Pays-Bas ?

     Il faut voir, si c’est pour nous enliser dans un perpetuel « qui-sommes-nous-d’où venons-nous », c’est vrai qu’on en sort plus.

     Maintenant, sans un minimum d’histoire, il est difficile de se repérer dans le cours de sa propre vie. De toute façon, on a des parents, même si on ne les a pas connus, des grands-parents, des arrière ceci et cela et on ne peut pas rester amnésique toute sa vie. Vous êtes né parce qu’il y avait une histoire avant votre naissance.

     Collectivement, les gens de l’actuel nord de la France ont une culture limitée de leur propre histoire ancienne. Ce manque de culture rend ces gens eux-même limités, ça ne favorise pas une dynamique profonde du pays sauf pour une chose : être les braves gens de ch’nord qui amusent les Français pendant un temps, un temps où ici en fait on n’avance pas.

          - D’accord, mais en quoi la fin du Moyen-Age, la Renaissance, sont des époques qui ont à voir avec nous les gens d’aujourd’hui ?

     Cela vous parait bien loin dans le passé. C’est vrai, mais c’est une période capitale pour notre pays, pour comprendre ses fondements, de quoi il est fait. Les bouleversements d’hier, même s’ils sont loins dans le temps,nous renseignent sur des choses d’aujourd’hui auxquelles on ne fait plus attention.

          - Que voulez-vous dire, vous parlez de quelles choses ?

     Ce serait une longue liste, une somme de détails même, mais qui à partir de cette époque vont nous distinguer irrémediablement de la France, et qui fait que nous devenons les Pays-Bas.

         - On a l’impression que à la fin du Moyen-Age, la vie n’était pas spécialement amusante ?

     Non c’est sûr. Famines, peste et compagnie, de plus, le royaume de France, déjà vaste, heterogène, connaissait des problèmes politiques graves avec en toile de fond la guerre de cent ans contre l’Angleterre.

     Il y a eu ces troubles autour de la conquête du trône de France entre ces partis qu’on appelait les Armagnacs et les Bourguignons, ce qui a évolué en guerre civile. La Flandre et l’Artois étaient dans le camp Bourguignon. Bien sûr c’est une guerre de pouvoir, d’aristocrates, mais tout le monde en faisait les frais. Les Armagnacs étaient conservateurs, traditionalistes, intransigeants, les Bourguignons réformateurs, en attente de changements et d’ouverture qui auraient fait leurs affaires, et désireux d’arrêter une guerre sans fin avec l’Angleterre. Ils n’avaient pas de sympathie pour l’Angleterre mais ils comptabilisaient les ravages de ces periodes de guerre sur le plan économique et la vie devenue très difficile au quotidien. En Flandre et en Artois, provinces prospères, c’était une catastrophe ce conflit avec les voisins anglais.

         - Que s’est-il alors passé ?

     Comme toujours à ces époques c’est un enchaînement de péripéties compliquées et de retours de bâton. Pour simplifier, abréger, nos ancêtres se sont réunis autour du Duc de Bourgogne et les provinces se sont liées sous son autorité, depuis les montagnes du Jura jusque la Mer du Nord. Ce sont les états Bourguignons, ils vont devenir les dix-sept provinces des Pays-Bas et se séparer de fait du royaume de France. A l’intérieur de ce nouvel ensemble, pas de surprise, les rivalités économiques et d’intérêts restent de mise.

        - Est-ce que cela a permis ou non d’améliorer la vie des gens ?

     Il faut considérer le contexte de l’époque, nous l’avons dit ce monde n’était pas une partie de plaisir. Mais il a émergé incontestablement une culture dynamique qui était le propre des Pays-Bas et qui marquait une avance sur la majeure partie de l’Europe, il y avait là une capacité d’évolution qui fait que les Pays-Bas sont parmi les premières sociétés à sortir du Moyen-Age.

        - Vous dîtes que vous aujourd’hui, gens du pays vous êtes issus de cela ?

     C’est notre héritage en tous cas. Des anciens Pays-Bas, nous héritons par exemple d’une architecture du bâti qui nous identifie tout de suite. Et puis nos villes ont des beffrois qui représentent la conquête de leur liberté politique, nous mangeons des gaufres, de la cassonade, nous buvons du genièvre, nous avons la dentelle, les draps, l’univers textile, un art de la peinture, une maîtrise du dessin et de la couleur qui n’a jamais vieilli, nous avons des fêtes surréalistes, des géants fabriqués avec du bric, du broc et de l’ingéniosité, ils défilent acclamés en héros malgré leurs têtes d’ahuris, il y a de faux chats qui volent, des louches en bois qui tombent du ciel et plein d’autres choses…

         - C’est vrai que ce n’est pas très français, mais les anciens Pays-Bas c’est un truc qui n’a pas duré ?

     A la fin du seizième siècle, les guerres de religion ont été une tragédie, une catastrophe qui ont tout dévasté. Les conséquences en ont été incalculables, et puis nous dépendions de l’administration espagnole, complètement rigide, incohérente, avec l’arrivée de l’Inquisition tout devenait insupportable. Ces troubles sanglants et les émeutes ont séparé les provinces entre nord et sud. Nous sommes devenus les Pays-Bas du sud, nous sommes restés sous administration espagnole. Ceux du nord, dominés par la Hollande sont devenus les Pays-Bas modernes.

     Forcément, cela marque un déclin pour nous, mais les choses se sont apaisées au sens premier et fort du mot, nous avons pu négocier à cette époque la récupération de certaines libertés. L’administration espagnole redevenait lointaine et vivable.

 

Anthony van Dyck- Portrait of Charles V on Horseback

 

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        - Y –a-t-il des problèmes de langue dans les anciens Pays-Bas ?

     En Flandre et en Artois co-existaient langues et dialectes. Dans les campagnes et les faubourgs urbains, ce sont le picard et le flamand, au sud le picard, au nord le flamand.
Les gens de la haute société ou en contact avec cette société de pouvoir parlaient en ancien français, c’est la langue du pouvoir politique. Avec le temps, le français s’est de plus en plus imposé. Comme il est à la fois proche et différent du picard, il n’a pas remplacé le dialecte picard mais l’a appauvri et en a fait un patois populaire. De son côté, l’usage du flamand a reculé peu à peu vers le nord-est du territoire.

     Au milieu du seizième siècle les documents publics officiels disponibles dans la ville de Saint Omer/Sint Omaar le sont en français et en flamand.

     Les Pays-Bas ont toujours composé avec langues et dialectes, le français, le néerlandais, et les dialectes proches locaux sont le patrimoine linguistique de nos provinces.

     Donc je répète : la diversité bilingue autour du français et du néerlandais sont le patrimoine linguistique de la Flandre et de l’Artois et par extension de tous les Pays-Bas.

       - Vous dîtes cela à l’intention des gens qui font des polémiques dans l’actuelle Belgique ?

     Pas de commentaire, je ne peux me permettre aucun commentaire politique, si Charlequint revenait il te remettrait dans le bon sens toutes ces têtes de pseudo-flamands et de pseudo-wallons.

 

      - Mais les anciens Pays-Bas, même du sud, espagnols, ne sont plus là, depuis quand d’ailleurs ?

     Dans la dernière partie du dix-septième siècle, le roi de France, Louis XIV, a mené une invasion de grande ampleur.

     Notre défaite commence avec le long siège d’Arras, sur les murs, nos ancêtres affamés écrivaient : quand les Français prendront Arras, les rats mangeront les chats. Il faut croire que les rats ont mangé les chats. Quelques année plus tard, Lille a capitulé et il a été décidé d’un traité de paix, qui a coupé en deux les Pays-Bas du sud. L’Artois et la Flandre du sud sont passés sous administration française. L’autre partie va être transférée de l’administration espagnole à l’administration autrichienne, cette partie deviendra plus tard l’actuelle Belgique, et nous sommes toujours de notre côté à ce jour l’actuel nord de la France.

       - Donc c’est le système français depuis plus de trois cent ans ici ?

     Il n’ y a pas un seul système français, à l’époque il s’agit de l’Ancien Regime. Si Louis XIV était un personnage sinistre et mégalomane, il a su aussi ménager les gens des Pays-Bas après la conquête. La Flandre et l’Artois ont conservé un parlement et une certaine autonomie. Après la révolution française, elles disparaissent en tant que provinces et en tant qu’entité, elles sont alors dissoutes dans les départements de la nouvelle administration.

     A l’époque de la monarchie, les observateurs relèvent que le nombre de gens capables de lire et écrire en Flandre-Artois est supérieur à la plupart des provinces françaises.

         - On ne dirait pas la même chose aujourd’hui !

     De nos jours, comparés à la France nous sommes à la traîne. Entre la grisaille de l’ère post-industrielle, les crises économiques non-stop, la misère de notre quart-monde, les générations adultes sans repère social, sans culture, le bilan n’est pas brillant. Pourtant…

        

     

 

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      - Oui, pourtant ?

     C’est bien connu, il y a un potentiel humain qui reste fort dans le nord de la France . D’autre part, le passé des Pays-Bas a laissé et légué de nombreuses traces, nous pouvons puiser dans nos ressources culturelles flamandes et artésiennes, nous ne vivons pas en dictature, qui nous empêche ?

     Nous pouvons nous mettre en mouvement, à la rencontre de notre héritage, puisque justement il est le nôtre.

     - Qui peut le faire, la jeune génération ?

     La jeune génération croit qu’elle n’a pas de passé, elle croit qu’elle est un mélange d’Ipod, de facebook, de télé-réalité, d’équipe de France de football, la vieille génération ne lui a pas transmis de culture régionale profonde en terme historique. La jeune génération n’a pas de connaissance et de culture de son propre pays. Il y a un sacré travail à faire avant de commencer à imaginer une renaissance.

 

- Pourquoi vous ne parlez jamais des deux guerres mondiales du XXème siècle par rapport à la Flandre et l’Artois ?

     Je suis Charlot le Trente-Sixième, né au XXème siècle, mais après ces guerres. En fait, je crois qu’elles me terrorisent parce qu’elles sont relativement proches dans le temps et qu’elles ont laissé des marques indélébiles, y compris physiquement dans le sol, c’est le fait d’avoir été une ligne de front, particulièrement lors de la première guerre mondiale.

     Il y a eu un nombre de victimes très élevé, en grande partie des hommes en uniforme, la terre était gorgée de sang et puis très rapidement il y a eu reconstruction, reprise de l’activité économique. Cela donne une terre complètement paradoxale, morbide en-dessous à cause des hécatombes et foisonnante en surface parce que l’agriculture est notamment d’une grande richesse ici. C’est tellement déroutant, de toute façon vivre ici, être issu de ce pays reste une chose bien déroutante. A quoi se raccrocher ?

- Et bien ne faut-il pas se raccrocher aux anciens Pays-Bas ?

     C'est-à-dire que cet héritage et ce patrimoine nous y avons pleinement droit. Nous devons nous en emparer et travailler avec. Si vous me dîtes que ce n’est qu’une démarche culturelle, je vous répond qu’elle crée une dynamique sociale, économique, environnementale…elle améliore donc la vie des gens, oui la culture déclenche des retombées concrètes, matérielles dans la vie de tous les jours.

     Vous le savez, vous voyagez, vous faîtes des reportages, vous constatez que les pays qui ont une culture forte et riche ont certes des problèmes mais ils attirent et se développent dans une dynamique qui leur est propre.

     Les pays qui ont abandonné leur héritage culturel prospèrent économiquement pendant un temps, à la limite de la prostitution, mais ils déclinent dans un second temps parce que de toute façon ils n’ont plus d’âme, ils n’attirent pas grand monde, c’est eux qui sont attirés par les autres.

     Je voudrais bien qu’on re-bascule dans le bon camp culturel.

- Votre Excellence, merci de cet entretien et bonne chance

     Merci à vous, je bois à l’amitié entre les anciens Pays-Bas et Zanzibar !